[K]raftwerk
"centrale électrique"
(dans la langue de Goethe) groupe précurseur de la mouvance
électronique et inventeur de la "pop robotique",
fut créé en 1970 par Ralf Hütter et Florian
Schneider-Esleben. La rencontre entre ces deux individualités
se fera sur les bancs de la Renschied Kunstakademie près
de Düsseldorf, pendant un cours d'improvisation musicale.
Ralf étudie le piano et Florian la flûte, à
cette époque ils sont attirés par le jazz et la
musique improvisée. Après une première formation
sous le nom de Organisation, ils forment Kraftwerk.
En 1973, ils investissent le Kling Klang studio au centre de Düsseldorf
(ils sont toujours dans ce studio devenu mythique de nos jours).
Nos deux leaders seront notamment assistés jusqu'en août
1971, par Andreas Hohman, Klaus Dinger et Michael Rother s'en
suivra une période où ils officieront en duo jusqu'à
l'album Ralf & Florian.
C'est pour Autobahn
qu'un premier quatuor sera réellement formé avec
Wolfgang Flür
et Klaus Roeder. Ce dernier sera remplacé par Karl Bartos
pour l'enregistrement de Radio-activity
en 1975 : l'aventure se poursuivra sans changement de personnel
jusqu'à
la sortie d'Electric
café en 1986. En 1991/92 Fritz Hilpert et Fernando
Abrantes rejoindronrt le groupe après les départs
successifs de Wolfgang Flür et de Karl Bartos.
[A]u
cours des folles années soixante-dix,
Kraftwerk et d'autres formations d'agitateurs teutons telles que
Can, Tangerine Dream, Neu, Kluster (puis Cluster), Faust, Guru Guru,
Amon Düül I (puis Amon Düül II), Ash ra temple,
Klaus Schulz... seront catalogués sous l'appellation Krautrock
"rock choucroute" (rock avant-gardiste allemand
de la fin des 60's et du début des 70's). A cette époque,
ces musiciens sont marqués par lemouvement Fluxus,
les expériences, bidouillages sonores, de Karlheinz
Stockhausen mais aussi par une volonté de faire éclater
les carcans de la musique "pop-rock" anglo-saxonne. La
jeunesse allemande reste très marquée par la terrible
guerre. Tout est à reconstruire en ce début des années
70, à commencer par une identité culturelle, une identité
musicale. Il leur faut notamment réagir face à l'américanisation
de la société allemande.
[L]es
pionniers de la musique électronique
s'imposeront aux USA et en Europe en 1974 avec l'albumAutobahn.
En 1975, le morceau Radio-activity,
tiré de l'album du même nom remportera un succès
pour le moins inattendu en France. Les quatre premiers albums
permettent à nos deux comparses d'affiner leur style, c'est-à-dire
épurer leurs compositions en retirant successivement les
instruments jugés "inutiles" (les instruments
acoustiques notamment :"Nous savions parfaitement jouer
de ces instruments "classiques", mais nous les trouvions
trop limités" : Ralf Hütter). L''improvisation
et le foisonnement instrumental de la toute première expérience
avec Organisation
sont alors oubliés, le groupe tend désormais vers
plus de minimalisme et des rythmes mécaniques. (Kraftwerk
sera l'un des premiers groupes à monter son propre studio
d'enregistrement, celui-ci est alors considéré comme
un outil de création au même titre que les synthétiseurs
et les boîtes à rythmes : l'antre Kling Klang garni
de Moog). A partir de Radio-activity,
les voix (les chansons avec des paroles) apparaissent clairement
au détriment des compositions strictement instrumentales.
De plus, le groupe choisit définitivement de jouer une
musique exclusivement électronique.
[L]'esthétique
de Kraftwerk
est désormais établie. Les albums suivants seront
plus ou moins dans la même continuité avec toujours
un thème central particulier, un regard emprunt d'humour,
de réflexion, et de romantisme sur la vie industrielle
et les innovations technologiques (la joie de la conduite sur
les autoroutes en Allemagne, la façon dont les ordinateurs
pourraient être intégrés dans la société
à l'avenir, l'union parfaite entre la machine et l'homme,
cette fascination pour l'idée que les années vingt
à cinquante se faisaient du futur...). La rencontre de
Kraftwerk avec un certain Emil Schult sera essentielle pour l'esthétique
du groupe. De cette collaboration fructueuse sortiront des concepts
visuels et sonores, inspirés par la culture européenne
des années 20-30, le constructivisme russe et l'art industriel.
L'apport d'Emil Schult influera aussi bien les compositions musicales,
les textes des chansons, les pochettes des albums que les prestations
scéniques. Kraftwerk finira d'ailleurs par engendrer des
automates à l'effigie de chacun des quatre musiciens du
groupe, ils seront chargés de véhiculer l'image
publique de Kraftwerk, et d'assurer les séances photos
(The Man machine1978).
Ralf et Florian resteront plus que jamais marqué par le
"Gesamtkunstwerk". Musicalement
parlant : un "mélange de rythmes funky, de musique
concrète et de pop music" selon les affirmations de
Florian Schneider. A noter tout de même que le groupe quittera
le fameux son analogique si caractéristique, pour adopter
un son digital dans l'album Electric
café, Kraftwerk entame désormais sa
lente régression.
[L]es
influences musicales majeuresreconnues
par Ralf Hütter et Florian Schneider sont pour le moins éclectiques
: Luigi Russolo ("l'évolution de la musique doit être
parallèle à celle des machines" in Lart
des bruits, 1913, éd. L'âge d'homme), et tous
les musiciens qui ont poursuivis la fascination de Russolo pour
l'utilisation des instruments "non-musicaux", Pierre
Henry, Karlheinz Stockhausen (expériences sur les générateurs
de sons synthétiques à la radio Munichoise), John
Cage et les travaux de bandes (tape music), le minimalisme répétitif
de La Monte Young et Terry Riley ...Mais également : Chuck
Berry, Pink Floyd et la pop sucrée des Beach Boys.
[D]epuis
presque 20 ans
nos ingénieurs de la pop se consacrent aux expérimentations
sonores, quasiment "reclus" dans leur studio-laboratoire
de Düsseldorf (rares apparitions en public, pas de véritable
album : juste quelques remix de leurs propres titres...). Outre
les magnifiques compositions où se mêlent minimalisme,
sons synthétiques parfois très froids, approche
pop de la mélodie et rythmes dansants, Kraftwerk aura contribué
grâce à une imagerie singulière à démocratiser
une certaine conception musicale. Kraftwerk déclare avoir
créé une "industrielle Volkmusik" (musique
populaire industrielle).